Le pouvoir de la Covid-19

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Le pouvoir de la Covid-19

Un exemple de leadership dans le développement d'idées créatives pour faire face à cette crise en continuant à exercer notre passion pour la danse

Subir une pandémie de six mois peut mener à emprunter de nombreux chemins. Certains conduisent à la dépression, la passivité, l’apathie et la négativité, d’autres offrent un voyage davantage positif et gratifiant dû au potentiel inespéré du temps en extra qui est offert. Face aux options devant lesquelles j’ai été placée en mars 2020, j’ai choisi la voie de la positivité et de la potentialité.

Une idée m’est d’abord venue à propos de Casse-Noisette, le ballet renommé, connu et apprécié par tous les étudiants en ballet. J’ai décidé d’extraire des passages musicaux et de les couper en segments spécialement formatés pour accompagner 6 exercices à la barre. J’ai par la suite lancé un défi Facebook, demandant aux élèves de créer leurs propres exercices à la barre sur la musique, de filmer la séquence et d’envoyer leurs vidéos. Un commerce de Montréal et un autre de Vancouver ont fait don de léotards, chèques-cadeaux et pointes comme prix pour les gagnants. Les juges étaient Maude Sabourin des grands Ballets Canadiens et Janie Richard, la grande gagnante de 100 000 $ avec Marcio Vinicius Silveira, de la 2e édition de Révolution. Ce projet s’est terminé à la fin mai alors que le confinement était toujours de rigueur.

Développer sa créativité

J’ai ensuite décidé d’organiser un autre concours, basé cette fois-là sur ces mots de Balanchine : « Voir la musique, entendre la danse. » J’ai choisi des extraits de musique classique qui, du moins je l’espérais, allaient stimuler la créativité des élèves tout en étant accessibles. Avec l’aide de deux collègues de l’École supérieure de ballet de Québec, Nathalie Gérard et Anne Dryburgh, nous avons rédigé des suggestions musicales et chorégraphiques pour donner du ressort au processus créatif et aider les élèves à développer « l’éthique » Balanchine qui rend la musique inséparable de la danse.

Cette fois, j’ai ciblé pratiquement toutes les écoles de ballet de la province de Québec. Plus d’une centaine! En cours d’inscriptions, j’ai également autorisé celles d’une école de Hamilton (Ontario) dirigée par un ancien collègue de l’ESBQ. Il m’apparaissait important d’avoir 2 catégories pour permettre aux plus jeunes élèves de 9 à 12 ans de participer avec les mêmes chances que ceux et celles de 13 à 16 ans.

La première étape a consisté à trouver un ou une juge extraordinaire pour ce concours. Louise Lecavalier, l’emblématique et remarquable danseuse contemporaine, également la mère de jumelles qui ont étudié le ballet, accepta le rôle. Nous avions fait connaissance lorsque j’accompagnais une classe de ballet au quotidien à laquelle participait une de ses filles en 2012. Quand je lui ai demandé si elle pouvait envisager d’être la juge du concours, c’est avec enthousiasme qu’elle a immédiatement accepté. Son nom et sa renommée constituaient le coup de pouce dont j’avais besoin pour avancer avec assurance sur le chemin de ma quête de soutien artistique et de commanditaires pour la compétition.

Des artistes de renom

Une fois que le nom de Louise Lecavalier fut associé à l’événement, d’autres artistes ont accepté d’offrir des ateliers virtuels aux gagnants et gagnantes. Voici la liste de ces artistes : Hélène Blackburn, Anne Plamondon, Andrew Skeels, James Gregg, Alexandre Morin, Stéphanie Audet, Eve-Marie Dalcourt, Linda Rabin, Sarah Gibson, Vanessa Garcia, Myriam Simon, Alexandra Wells et Greta Hodgkinson. Ils ont tous fait preuve de bienveillance et de générosité en se connectant entièrement, au propre comme au figuré, avec les élèves qui ont participé à leurs ateliers, allant bien au-delà des attentes d’une classe habituelle. Je peux affirmer qu’ils et elles se sont donnés sans compter. Ces ateliers ont couvert différents aspects de la danse, incluant le ballet, la danse contemporaine, l’improvisation, Continuum, Image Tech et même une touche de danse urbaine.

L’autre défi consistait à trouver des commanditaires pour la compétition parmi les commerces qui bénéficient de l’industrie de la danse. Cela comprenait donc, entre autres, les fabricants de planchers, de barres, de vêtements et chaussures de danse. Les premiers commanditaires se sont ajoutés petit à petit et j’ai rapidement compris que la clé pour trouver plus de commanditaires était de tirer parti du don précédent pour susciter l’intérêt du commanditaire suivant, tout en profitant d’un concours de « bonne volonté » et de l’attrait de la philanthropie. Le montant final a atteint près de 10 000 $. Somme étonnante compte tenu de mon statut de débutante dans la collecte de fonds, qui plus est sur une si courte période. J’ai découvert que la ténacité, enrobée d’acharnement, est un facteur important dans le processus de sollicitation d’entreprises pour qu’elles ouvrent les goussets de leurs bourses, de même qu’il faut être prête à envoyer des centaines de courriels et d’appels téléphoniques en forme de requêtes passionnées pour la bonne cause.

Plusieurs récompenses et lauréates

Louise Lecavalier a d’abord regardé seule quelques-unes des vidéos soumises. Nous avons par la suite visionné les autres ensemble. La tâche de choisir trois gagnants ou gagnantes dans chaque catégorie était colossale et a finalement cédé la place à la nomination d’un(e) seul(e) lauréat(e) par catégorie, mais tout en offrant plusieurs autres prix. Ce choix a permis à 41 des participants d’être invités à des ateliers et plus de 25 autres ont reçu un prix.

Voici quelques remarques de Louise Lecavalier au sujet des vidéos soumises :

« Avec un grand plaisir, j’ai regardé toutes vos vidéos personnelles, concentrées, touchantes, drôles, magnifiques avec mon cœur qui vous suivait dans vos moindres pas, vos idées et votre détermination. C’était un cadeau pour moi de vous regarder. C’est fou ce que notre cerveau nous permet comme voyage, il me semble que je vous connais tous et toutes personnellement maintenant. Un grand merci pour votre générosité. Bonne danse. Viva ! »

Mis à part le désir de motiver les étudiants, coincés à leur demeure pendant tant de mois, j’étais aussi sur une mission musicale. Le lien entre la musique et la danse est sacré pour moi. C’est quelque chose que je promeus en utilisant différentes avenues à l’École supérieure de ballet de Québec : en enseignant la musique aux professeurs de danse, en coachant les accompagnateurs et en étant en contact avec les élèves dans les cours de musique.

Le niveau de créativité et d’expressivité des élèves était remarquable, une réelle connexion avec la musique se révélait palpable dans de nombreuses vidéos. Le projet a pris racine dans l’idée tenace de transformer les circonstances démoralisantes d’une pandémie mondiale en une opportunité pour créer et exprimer de façon concrète « voir la musique, entendre la danse ».

Le RED tient à féliciter les jeunes danseurs qui ont participé à ce concours et à remercier Elaine de cette initiative ingénieuse et stimulante pour les élèves-artistes dans ce contexte hors du commun.

Crédit photo : Elaine Gaertner

 

Par
Elaine Gaertner
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