La danse traditionnelle québécoise est un style sous-représenté dans notre espace public même si sa pratique se perpétue dans un milieu riche et vivant. Alors que de nombreuses écoles spécialisées rejoignent les rangs du R.E.D, il apparait important de revenir sur ce qui constitue la tradition dansée du Québec, sur ses origines, et sur les groupes et ensembles folkloriques qui tiennent une place importante dans l’enseignement et la formation des danseurs.
Tout d’abord, qu’entendons-nous par danse traditionnelle québécoise ? Le terme renvoie ici à deux éléments : la danse dite de figures et la gigue. La première fait référence à un ensemble de danses transmises par la tradition orale et gestuelle de génération en génération telles que la contredanse, le set carré, le quadrille, le reel à quatre, etc. Participer à ces danses ne nécessite pas une technique maîtrisée à la perfection puisqu’elle se pratique généralement au cours d’une veillée de danse, événement plus social que performatif.
C’est cependant la gigue qui représente l’aspect incontournable de notre tradition dansée. Elle s’insère régulièrement dans les danses de figures, comme pas de transition, mais il est aussi possible de la pratiquer durant l’entièreté de la danse comme c’est le cas du Brandy,
Pratiquée en solo ou en groupe, la gigue est une danse percussive qui engage tout autant les qualités physiques que rythmiques des danseurs. Ces derniers se dotent de souliers où la pointe et le talon sont munis de fer, aujourd’hui souvent remplacé par la fibre de verre, afin de donner plus d’amplitude et de puissance aux sons qu’ils produisent.
Ce sont surtout les jambes et les pieds qui s’animent quand vient le temps de giguer, le haut du corps restant parfois complètement immobile. Alternant d’un pied à l’autre, les danseurs utiliseront tantôt différentes parties du pied (talons, pointes) tantôt différentes vitesses ou différents pas (frapper, sauter, frotter) pour créer une progression rythmique, sur une musique d’accompagnement ou a capella. L’une des clés de la maîtrise réside dans la souplesse et l’équilibre.
C’est avec l’arrivée des vagues d’immigration issues des îles Britanniques au 19e siècle que la gigue s’installe au Québec et prend progressivement la forme qu’on lui connait aujourd’hui. Il se produit un métissage des traditions anglaises (valse clog) irlandaises et écossaises (stepdancing, trebling) ainsi que françaises (rondes, cotillons, etc.). De ce mélange unique émerge la base des danses pratiquées tout autant au Québec qu’en Acadie. Chez les Métis de l’Ouest s’y ajoutent également les traditions de danses percussives autochtones. Les études réalisées sur le sujet nous indiquent que le Québec continue de pratiquer certaines danses et séquences de pas aujourd’hui disparus des îles britanniques, ce qui témoigne de la nature adaptative de la tradition selon le lieu où on la pratique. Au 20e siècle, la gigue québécoise fut également influencée par le tap dancing américain, lui-même le mariage des danses britanniques et de traditions afro-américaines (juba, shuffling). Aujourd’hui, la fusion des genres continue de s’opérer dans certains projets alliant gigue et flamenco ou gigue et danse contemporaine.
Pendant longtemps transmise au sein des familles par l’oralité et l’observation, la danse traditionnelle québécoise s’enseigne aujourd’hui principalement à travers les écoles des troupes et ensembles folkloriques. Ces groupes, dont les premiers apparaissent dans les années 1960-70, adaptent le style traditionnel pour créer des danses de groupes intégrant la gigue et pensées pour être présentées sur scène.
Des danseurs allant de l’âge préscolaire aux jeunes adultes fréquentent ces écoles, et de nombreux ensembles offrent également des cours pour adultes, allant du niveau amateur à semi-professionnel. L’apprentissage de la gigue nécessite des capacités motrices et rythmiques importantes. Progresser et maitriser la technique implique un investissement en temps important et une grande passion, c’est pourquoi les danseurs qui atteignent un niveau élevé ont souvent commencé assez jeunes.
Le Conseil québécois du patrimoine vivant recense une trentaine d’écoles du genre à travers la province et estime que 15 000 personnes auraient participé à une formation ou une activité de danse traditionnelle québécoise en 2013 ! Comme quoi les traditions dansées du Québec sont promises à un bel avenir.