Imaginez-vous rebondir comme un ballon ou vous projeter dans l’espace en décrivant un grand arc de cercle. Quelle sensation grisante que de défier la gravité et suspendre le mouvement, ne serait-ce qu’un instant!
Il est naturel pour l'être humain de sauter et de bondir, mais en danse, nous raffinons nos capacités en apprenant à le faire avec élégance et grâce.
Au fil des ans, nous développons les qualités de précision, rebond (ballon), dynamisme, légèreté, rapidité, élévation, amplitude, suspension… sans oublier la virtuosité. Et nous apprenons à faire tout cela en créant une illusion de facilité.
Ceci dit, bien avant d’éblouir notre public, nous devons établir de bonnes bases, et il peut être surprenant de constater la quantité d’éléments qui affectent le succès des sauts.
Le demi-plié assure la propulsion qui génère le saut et permet d’amortir l’atterrissage. Il doit être tour à tour dynamique, puis hautement contrôlé. Sa plus grande qualité est d’être toujours en mouvement, ce qui lui permet d’assurer le rebond, tel un trampoline qui renvoie le corps en l’air. On ne s’arrête jamais dans un plié!
L’alignement du corps est essentiel à chaque phase d’un saut : demi-plié, propulsion, envol et atterrissage. Maintenir cet alignement vertical constitue un grand défi, car le réflexe naturel est de pencher le tronc vers l’avant pour augmenter l’élan. Réflexe naturel… mais malheureusement contre-productif.
Le bon alignement génère une poussée verticale qui maximise la hauteur, et améliore même la portée des sauts de déplacement, puisque ceux-ci couvrent mieux l’espace lorsque le tronc est bien centré au-dessus des jambes.
Le plus souvent, les sauts se font en en-dehors, qu’il s’agisse d’une rotation naturelle ou de l’en-dehors hautement développé du danseur de ballet. Dans tous les cas, et même lors des sauts en parallèle, l’importance est de maîtriser l’alignement des genoux au-dessus des pieds à toutes les étapes d’un saut. Ce contrôle contribue à l’alignement juste du corps et diminue le risque d’une blessure accidentelle ou de sur-usage pour ces grands vulnérables, les chevilles et les genoux.
Des pieds qui roulent et des arches tombantes affectent le corps en entier, incluant l’en-dehors et l’alignement. Il est essentiel d’éviter la pronation en appuyant les petits orteils au sol (poids égal sur les cinq métatarses) et en soutenant les voûtes plantaires.
Lors de la propulsion, la poussée des jambes doit être immédiatement suivie par celle des pieds, qui passent par quart de pointe et demi-pointe avant de pleinement pointer en l’air. En renversant cette séquence avec soin pour contrôler le retour au sol par les pieds et le demi-plié, le danseur acquiert la légèreté et la qualité féline des sauts bien réussis, tout en protégeant ses articulations.
Un sujet qui revient souvent est l’importance ou non d’appuyer les talons au sol en demi-plié. Je m’appuie personnellement sur les recherches scientifiques pour affirmer que l’on doit solidement plaquer les talons au sol lors de la poussée ainsi qu’à l’atterrissage de chaque saut. Maintenir les talons au sol en demi-plié garantit l’allongement complet des muscles postérieurs gastrocnémiens et soléaires. La force de traction qui en résulte crée de l’énergie cinétique qui, à son tour, assure une contraction complète pour une meilleure propulsion. Les sauts sont plus puissants et plus hauts. Par ailleurs, cette pratique augmente la stabilité en demi-plié, notamment celle de la cheville, en raison de la forme osseuse de l’astragale, plus étroit à l'arrière qu’à l'avant. Enfin, tout en aidant au maintien de l’alignement souhaitable en demi-plié et en l’air, appuyer les talons au sol diminue le risque de blessure.
Certains élèves trouvent difficile d’appuyer leurs talons au sol avant et après chaque saut, et se plaignent qu’ils sautent moins haut. Il s’agit d’un désagrément temporaire, car ceux qui persistent dans leurs efforts récoltent ultimement des sauts plus puissants, plus stables et plus précis, tout en protégeant leurs jambes et leurs pieds.
Le rebond (aussi appelé ballon) décrit la qualité « rebondie » qui provient de l’usage efficace du demi-plié. Il se travaille dès les premiers cours par le biais des sauts de déplacement plus naturels que sont les gambades, les pas chassés et les sauts de marelle. Dans les sauts techniques, la qualité de rebond se travaille aussitôt que deux sauts s’enchaînent. Pour aider les élèves à développer cette qualité essentielle, on leur demande de reproduire la sensation de retour en l’air générée par un trampoline. Ils peuvent aussi imaginer que leur bassin rebondit comme un ballon de basket. Il faut du temps et de la pratique pour développer des sauts qui rebondissent sans effort apparent, mais une fois maîtrisée, cette qualité s’applique aisément à l'ensemble des pas sautés.
L'élévation se réfère le plus souvent à la hauteur des sauts verticaux, tandis que l’amplitude se rapporte au déplacement dans l’espace. À noter que lors des grands sauts de déplacement tels les grands jetés, les qualités de rebond, d’élévation et d’amplitude sont toutes réunies.
Le danseur doit pouvoir s’ajuster à différents tempos (vitesses) et aux effets du tempo sur la hauteur de ses sauts. Varier la vitesse tout en respectant les capacités physiques des élèves aide au développement du sens rythmique, de la musicalité et de la versatilité, tout en offrant une variété agréable.
Aux premiers niveaux d'apprentissage, lorsqu’il s’agit des sauts « techniques », je suggère de doser la quantité de sauts enchaînés (maximum 2 à 4 de suite) ainsi que le tempo de ces derniers. Par contre, les sauts de déplacement plus « naturels » tels les gambades et les pas chassés, peuvent être dansés en série en traversant l’espace.
Même pour les niveaux plus avancés, lorsque l’on travaille les pas d’allegro en combinaison, je privilégie la qualité avant la quantité, et je m’assure que l’élève travaille non seulement le rebond, l’élévation et l’amplitude selon le cas, mais aussi la précision et la coordination globale.
De beaux bras sont toujours souhaitables en danse puisqu’ils contribuent au style, aux lignes corporelles et à l’apparence d’aisance du danseur. Par contre, lorsqu’il s’agit des sauts, un grand défi consiste à fournir l’effort physique nécessaire à la propulsion, sans tensions ni mouvements exagérés des bras.
Lors des sauts plus naturels que sont les gambades, pas élancés, etc., on utilise les bras dans un mouvement instinctif d’opposition, mais pour les sauts techniques, il est plus difficile de « dissocier » les efforts du corps en maintenant de beaux bras exempts de tension. C’est pourquoi pendant les premières années d’apprentissage, les bras sont généralement immobiles, à la taille ou en 5e en bas.
Avec le temps et les années d’entraînement, le danseur accompli en arrive à bien utiliser ses bras sans tensions excessives, pour assister l’élan du saut; contrôler sa forme en l’air; soutenir l’illusion de « suspension » au sommet d’un grand saut; contrôler ses atterrissages et conférer une allure de facilité et d’aisance aux sauts les plus virtuoses.
À lire : Les sauts en danse – partie 2
Par Dominique Turcotte |