Est-ce que la création fait partie de vos objectifs de classe lorsque vous enseignez la danse à vos élèves? Tentez-vous de réveiller leur esprit créatif et artistique? Si oui, comment arrivez-vous à les faire sortir de leur coquille afin qu’ils puissent partager leurs idées sans gêne et sans censure? La création, autant chez les enseignants que chez les élèves, est un défi en soi. En danse, c’est même un double exploit ; non seulement c’est mettre à nu ses idées, mais c’est aussi les incarner physiquement, avec son corps, devant ses pairs. Cela relève non seulement l’aspect intellectuel d’un processus de création (ses idées, ses valeurs, ses préférences, etc.), mais aussi une partie plus intime de son expression artistique (sa façon de bouger, la mise en valeur de son style, de sa physionomie, etc.).
Souvent, lorsque nous tentons d’intégrer la création dans nos classes de danse, les élèves se figent. Habitués à suivre des consignes sur la gestuelle, d’apprendre des exercices et des chorégraphies, ils peuvent se sentir dépourvus d’outils, voire de compétences, pour réaliser la tâche de création demandée. Comment pouvons-nous, en tant qu’enseignants, les accompagner dans leur processus créatif? Voici quelques idées.
Lorsque j’ai commencé à enseigner aux petits, j’ai vite réalisé qu’élaborer une classe de danse classique (échauffement, exercices au centre, diagonales et chorégraphie par exemple) n’était pas la formule gagnante. Leur attention n’était pas captée adéquatement ; les explications étaient trop formelles et beaucoup trop ennuyantes pour ces petites boules d’énergie! J’ai dû rapidement me retourner et trouver des solutions. Instinctivement, et avec l’aide d’enseignantes plus expérimentées, j’ai organisé ma classe autour du jeu. Je me suis fait une banque d’outils imagés qui, selon moi, allait donner du sens aux activités et aux mouvements proposés. Ainsi, j’ai construit des personnages avec des façons de bouger spécifiques qui travaillaient différentes qualités de mouvements. Nos rituels de classe commençaient toujours par un conte, une histoire dans laquelle nous explorions l’espace. J’ai intégré l’utilisation d’accessoires (cerceaux, foulard, cordes, etc.) pour leur lancer des défis et ouvrir leurs horizons sur les possibilités de mouvement. Cette initiation à l’enseignement auprès des petits a grandement influencé par la suite mon enseignement auprès des plus grands.
Sans nécessairement me baser sur le concept du jeu, j’ai gardé en tête l’idée de contextualiser le mouvement, la danse, surtout en situation de création. Offrir aux élèves des orientations, des structures et des inspirations facilite grandement l’exploration des idées et leur mise en mouvement. Créez-vous une boîte à outils à partir de laquelle vous pourrez offrir à vos élèves des intentions de création et des lignes directrices d’exploration. Les outils peuvent être simples et variés : une image, une musique spécifique, des masques, des dés, etc. Soyez vous-même créatifs afin d’inspirer vos élèves. Trouver des sources d’ouverture et de réflexion menant à l’exploration gestuelle et à la liberté d’expression artistique des participants.
L’improvisation fait souvent peur. Parfois, ce sont les enseignants qui ne savent pas comment l’intégrer dans leurs classes ou comment gérer le désintérêt ou l’angoisse de certains élèves. D’autres fois, ce sont les élèves qui se sentent mal à l’aise de laisser libre cours à leur instinct et à l’expressivité de leur corps. Cependant, l’improvisation est un excellent exercice pour générer de nouvelles idées et pour développer sa signature corporelle. Il peut être intéressant de l’intégrer de façon régulière dans son cursus de cours. L’improvisation peut prendre plusieurs formes. Elle peut être dirigée et élaborée avec des consignes très précises, elle peut être incorporée spontanément et de façon succincte en demandant une directive vague à travers un enchaînement chorégraphique, elle peut se faire à travers le travail de partenaire ou encore de façon très informelle à la fin d’un cours (freestyle). L’idée ici est d’insérer l’improvisation de façon régulière dans les cours de danse pour qu’elle devienne aussi naturelle que l’échauffement en début de classe ou les étirements en fin de parcours. Ainsi, autant les élèves que les enseignants arrêteront de percevoir l’improvisation comme une source de stress ou de désagrément. Elle deviendra un outil de créativité considérable au service de tous en plus de favoriser l’expression et le développement de soi!
Finalement, je vous propose d’impliquer plus activement les élèves dans le processus du spectacle. Discuter avec eux des thèmes qu’ils aimeraient traiter par la danse, des costumes qu’ils voient illustrer le propos, de la mise en scène de la pièce, etc. Il s’agit non seulement de les faire participer activement à l’élaboration du spectacle, de la compétition ou de la classe, mais aussi de les motiver par un engagement qui s’étend au-delà de la simple prise de cours. Ils prennent alors connaissance de leur potentiel créatif et de leur importance dans la réalisation finale d’un projet. Cela ne veut pas dire leur donner carte blanche et accepter toutes les propositions. Au contraire! C’est plutôt d’ouvrir des pistes de discussion, de développer un sentiment d’appartenance entre le groupe et l’enseignant et de construire quelque chose ensemble. Sans le savoir, ils entrent dans un processus créatif qui, indirectement, finira par les inspirer tout autant sur le plan du mouvement et de l’interprétation.
Permettre à ses élèves de développer leur créativité est un cadeau inestimable. Après tout, la créativité nourrit l’interprète et l’individu. Permettons-leur de prendre une place plus personnelle et déterminante dans nos cours. Tout le monde n’en sera que plus gagnant!
Par Marie-Pierre Fortier |