Pour Eric Zig Martel, bboy, chorégraphe, directeur artistique et metteur en scène, le break, ce n’est pas seulement une danse. C’est une raison d’être, une culture, le témoignage d’une histoire qu’il n’a de cesse de partager depuis des années… Et de rectifier ! Il n’a rien contre le fait que l’enseignement du break explose au Québec. Mais il prend toujours le temps de rappeler les bases, car pour savoir où l’on va, il faut savoir ce que l’on danse !
Rédactrice : Charleyne Bachraty
C’est parti, parlons du breakdance ! *** insérer un bruit de buzzer ici *** Première erreur commise par la majorité : on ne dit pas « breakdance », mais « breaking » ou « break ». Mais alors, d’où vient la confusion ? « Des médias au UK ! nous confie Eric. C’est resté dans le langage courant, surtout chez les anciens. Aujourd’hui, on travaille à réadapter le vocabulaire, à chaque entrevue. » Et les danseurs et danseuses sont des bboys et des bgirls, avec un _b pour… eh oui, break ! Et d’ailleurs, break ne veut pas dire « casser ». Il fait plutôt référence aux séquences de percussions hyper-rythmées que l’on peut entendre sur les musiques utilisées dans le break. Et histoire de briller dans les repas de famille, sachez que James Brown est souvent considéré comme le premier bboy, lui qui a mis le feu à la scène sur des morceaux de rhythm and blues très enlevants.
Sur ces précisions plus que bienvenues, nous nous dirigeons à présent – du moins par la pensée – dans le Bronx, l’un des cinq arrondissements de la ville de New York, celui qui a vu émerger le breaking. Nous sommes vers la fin des années 70, et dans le sud du Bronx, on trouve souvent des quadrilatères, des blocks avec un panier de basket au milieu. On a toutes et tous à l’esprit, cette scène de jeunes jouant au ballon dans les séries et les films américains. L’ambiance est au party ! Des blocks parties sont souvent organisées, avec des DJ, comme Kool Herc, qui arrivent avec leur auto, ouvrent leur valise, sortent leurs haut-parleurs et se branchent directement dans un lampadaire pour mettre de la musique. Les gens sortent, dansent, sur un certain type de musique et… vont au sol, tranquillement pas vite. « La beauté de ça, c’est que le break a été créé par des jeunes de la rue. Ça ne fait pas longtemps qu’elle est là et ses inventeurs sont encore vivants et participent encore à des événements » s’émerveille Eric.
C’est donc dans cette marmite rythmée et communautaire que tombe Eric – qui se définit alors comme « un petit blanc de la Rive Nord » alors qu’il est tout jeune. Le break se fait une place de choix dans sa vie à partir de 1993. Il commence avec le New jack swing, autre danse de rue aujourd’hui connue sous le terme Old-school hip hop. Pour lui, c’est la période durant laquelle tous les mouvements de base du hip hop naissent. Il fait ses premières armes avec Flowrock, qui avec son vidéo-clip Ta Yeul Vis Ta Vie Et Reste En Vie marque les esprits. Le danseur DKC Freeze – doyen du break au Canada - devient son mentor et ici débute une histoire qui dure depuis près de 30 ans.
Créations, spectacles, école de danse : Eric se donne les moyens de concrétiser sa carrière en danse, même si bboy à l’époque, ce n’est pas très payant disons…
D’année en année, de projet en projet, il peaufine son style et sa façon de démonter les clichés souvent associés au break : « Je veux redonner la mentalité que j’ai acquise avec toutes ces années, montrer que le break, c’est un mode vie, une façon d’être, lui apporter un côté plus professionnel, le dissocier des gangs de rue… » Son truc ? Montrer les possibilités infinies de la danse au sol ! « C’est un style qui tire ses inspirations des danses africaines, des premières nations, de la capoeira, de la gymnastique… Si tu tripes sur plein de choses physiques comme ça et que tu aimes danser, les deux se rejoignent tellement bien en break ! »
Parlant de triper, tous les bboys et toutes les bgirls cherchent toujours à vivre « le deuxième souffle », celui que l’on peut connaître après un moment intense en danse, mais qui dépasse le stade de la fatigue « T’es juste hyper inspiré, tu fais plein de choses, tout fonctionne, tu vas chercher la connexion avec la musique. »
L’autre aspect qui passionne Eric, c’est la communauté. Le fait de se rejoindre sur une même danse, sans parler la même langue, sans venir du même pays… Pouvoir exprimer son plaisir de la même façon, pour lui, c’est priceless. Il n’y a qu’à l’entendre parler de ses inspirations, de ces bboys qu’il n’hésite pas à appeler des légendes, pour comprendre l’ampleur du respect qu’il porte à son art. Abstract Bboy, Ken Swift et Maurizio, Karim Barouche… Il louange leur fluidité artistique, leurs mouvements dignes d’une écriture calligraphiée, l’émotion palpable à chaque figure, mais ne manque jamais de rappeler que le break, c’est avant tout une danse de rue, qui se danse… Dans la rue ! « N’appelle pas ça du break si dans le cours que tu donnes, il n’y a que de la chorée. Appelle ça de la danse chorégraphique. » Il y a toute une approche et une structure différente à comprendre lorsqu’on veut faire un cours de break.
Pour connaître les écoles de danse qui offrent ce style, rendez vous sur le répertoire.